Le nucléaire est indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques selon l’AIE - Sfen

Le nucléaire est indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques selon l’AIE

Publié le 5 juin 2019 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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A l’occasion de la Clean Energy Ministerial à Vancouver, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié un rapport sur le rôle de l’énergie nucléaire dans un système énergétique bas carbone. La conclusion est sans appel : sans nouvelles constructions nucléaires ou sans prolongation de la durée d’exploitation, il serait pratiquement impossible de remplir nos objectifs climatiques, à moins d’accepter des risques importants pour la sécurité énergétique et des surcoûts conséquents pour le consommateur.

De l’aveu même de l’Agence, cela fait plus de 20 ans que la prestigieuse institution de l’OCDE ne s’était pas penchée spécifiquement sur l’énergie nucléaire. La situation est corrigée avec un nouveau rapport, de plus de cent pages, publié le 28 mai.

A l’heure où les pays s’engagent dans la voie de la décarbonation, le rapport rappelle en préambule que l’énergie nucléaire est la deuxième source d’énergie bas carbone dans le monde, derrière l’hydroélectricité, représentant 10 % de la production mondiale d’électricité. Pour les économies développées comme les États-Unis, le Canada, l’Union européenne et le Japon, le nucléaire est la principale source d’électricité bas carbone depuis plus de 30 ans.

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Réussir la décarbonation de notre économie nécessite un recours plus important à l’énergie nucléaire

Dans les pas du rapport du GIEC, publié le 8 octobre 2018, l’AIE affirme que le nucléaire, au côté des renouvelables, est un atout pour contenir le changement climatique en dessous des 1.5 C°. « Sans une contribution importante de l’énergie nucléaire, la transition énergétique mondiale sera d’autant plus difficile », a déclaré le Dr Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE.

En effet, après la décision de plusieurs Etats de sortir du nucléaire, l’avenir de cette énergie est en question. Selon le rapport, en l’absence de nouvelles constructions et compte tenu des incertitudes sur la prolongation de réacteurs dans certains pays de l’OCDE, 25 % des capacités nucléaires mondiales sont menacées d’ici 2025 et même les deux tiers d’ici 2040.

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L’économie mondiale pourrait ainsi générer 4 milliards de tonnes supplémentaires d’émissions de CO2, principalement par un recours accru au gaz naturel rendu nécessaire pour combler l’intermittence des énergies renouvelables.

Si d’autres technologies bas carbone, notamment les éoliennes et les panneaux solaires photovoltaïques, devaient combler le déficit nucléaire, il faudrait que leur déploiement s’accélère à un niveau sans précédent. Au cours des 20 dernières années, la capacité éolienne et solaire photovoltaïque a atteint environ 580 gigawatts dans les pays de l’OCDE. D’ici 2040 il faudrait multiplier par cinq cette performance. Une telle augmentation drastique de la production d’énergie renouvelable créerait de sérieux défis pour l’intégration de ces nouvelles sources dans le système énergétique. Selon le rapport, une telle décision nécessiterait des investissements supplémentaires de 1 600 milliards de dollars (1 400 milliards d’euros) au cours de la même période, avec un impact direct sur la facture d’électricité.

Les politiques publiques nationales doivent soutenir le développement de l’énergie nucléaire

 

Dans sa liste de recommandation aux décideurs, l’Agence évoque plusieurs pistes, à commencer par le maintien de l’option nucléaire en prolongeant la durée d’exploitation des réacteurs quand cela est techniquement faisable. En dépit d’investissements importants, le coût de la prolongation reste fortement concurrentiel par rapport aux autres technologies de production d’électricité, y compris les nouveaux projets solaires et éoliens, pouvant ainsi conduire à une transition énergétique plus sûre et moins perturbante. Le rapport tempère néanmoins en précisant que les conditions de marché restent « défavorables » en l’absence de valorisation des contributions de cette énergie à la décarbonation avec notamment un prix du carbone trop faible dans de nombreux pays.

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Afin d’accélérer la réduction des coûts du nouveau nucléaire et de maitriser les délais, le rapport appelle à simplifier les procédures administratives qui ne sont pas justifiées par des exigences de sécurité. Il appelle également à la vigilance sur le sujet crucial de la formation pour les futurs chantiers. En effet maintenir les compétences humaines et l’expertise industrielle devraient être la priorité pour les pays qui souhaitent continuer à compter sur l’énergie nucléaire. L’AIE recommande également de mettre en œuvre des politiques énergétiques dédiés afin de soutenir les investissements dans de nouveaux réacteurs nucléaires.

Enfin l’Agence internationale de l’énergie encourage le déploiement des réacteurs modulaires de petites tailles (Small Modular Reactors, SMR) qui, avec des coûts en capital plus faibles et des délais plus courts, pourraient améliorer la flexibilité des centrales nucléaires afin de contribuer à l’intégration des énergies renouvelables intermittentes.

Pour changer de paradigme d’ici 2050 et produire 80 % de l’électricité à partir de sources bas carbone, l’éolien et le solaire ne seront pas suffisants. Le dernier rapport de l’AIE rejoint donc une série d’études issues des grandes institutions (UE, ONU, OCDE…) qui placent toutes le nucléaire au cœur de la transition énergétique mondiale.


par Maruan Basic (SFEN)