En Allemagne, 45% de l’électricité vient du charbon
Le tournant énergétique allemand : malgré le progrès des énergies renouvelables, près de 45% de l’électricité provient du charbon et de la lignite en 2012, en croissance par rapport à 2011. Le Dr Harmut Lauer, expert de la SFEN, qui a fait une partie de sa carrière en France et en Allemagne en tant que Vice President de l’électricien RWE, faisait une conférence à la SFEN Lyon le 6 février pour rendre compte du tournant énergétique allemand, un an et demi après les décisions de l’été 2011 de sortie du nucléaire en Allemagne.
Cette question est d’autant plus d’actualité en France que beaucoup s’interrogent, à l’occasion du débat sur la transition énergétique française, sur les récents bons indicateurs énergétiques allemands : absence de black-out, solde exportateur d’électricité, réduction de la consommation et des émissions de CO2. Comment comprendre ces indicateurs ? Où en est l’Allemagne dans la réalisation de ses objectifs pour les années qui viennent ?
Première constatation
L’Allemagne a facilement pu compenser la perte de production des 8 réacteurs arrêtés sur décision politique après l’accident de Fukushima. La première explication vient de la part du nucléaire en Allemagne, une part bien plus faible qu’en France, même avant Fukushima. Mais aussi, seuls 8 sur 17 réacteurs ont été arrêtés : la vraie sortie du nucléaire en Allemagne est pour 2022. Mais d’autres facteurs interviennent : décroissance continue de la consommation, existence de capacités de réserve confortables en production, progrès des énergies renouvelables (qui représentent maintenant près de 22% du mix), mais surtout, croissance depuis 18 mois de la production d’électricité à base de charbon et de lignite, lesquels représenteront en 2012 près de 45% du mix électrique.
Les centrales à charbon allemandes bénéficient aujourd’hui de conditions de marché exceptionnelles (effondrement du prix mondial du charbon suite à la concurrence du gaz de schiste aux Etats-Unis, et très forte baisse du prix des droits d’émission de CO2 en Europe) qui leur permettent de produire de l’électricité à très bas coûts et d’exporter dans les pays voisins.
Deuxième constatation
baisse des émissions de CO2. Elle s’explique à la fois par une baisse de la consommation et des progrès réalisés sur l’ensemble du mix énergétique. En pratique, sur l’électricité, les émissions par habitant restent parmi les plus élevées d’Europe.
Le niveau actuel des émissions laisse d’ailleurs de très fortes marges de progrès, en particulier par rapport à la France qui a une part d’électricité sans CO2 supérieure à 90% (nucléaire et renouvelables).
Troisième constatation
Les prix allemands de l’électricité restent parmi les plus élevés d’Europe en particulier pour les ménages. Ils ont été en 2012 plus du double des prix payés par les foyers français. Comment se passe le virage d’un point de vue opérationnel ?
L’Allemagne n’a pas connu de black-out, malgré des difficultés de gestion croissantes : déséquilibre entre le Nord et le Sud, retard sur la réalisation des lignes à haute tension pour des motifs d’acceptation par les riverains, travaux majeurs à réaliser sur le réseau de distribution, risques techniques de baisses de tension et de fréquences, difficultés auprès des pays voisins, qui, non consultés sur les décisions allemandes, voient leur propres réseaux fragilisés. De sujets qui vont à la fois nécessiter de forts investissements mais aussi le déploiement de nouvelles technologies sur les réseaux allemands, dans un environnement opérationnel fragile.