Allemagne : la fermeture de la centrale nucléaire de Biblis était illégale - Sfen

Allemagne : la fermeture de la centrale nucléaire de Biblis était illégale

Publié le 16 janvier 2014 - Mis à jour le 28 septembre 2021

La fermeture provisoire des deux tranches de la centrale nucléaire de Biblis en mars 2011 – quelque temps après les événements de Fukushima – était illégale. Confirmant la décision antérieure du tribunal administratif de Hesse de février 2013, la Cour administrative fédérale de Leipzig, plus haute instance du pays en la matière, a jugé que l’Etat régional de Hesse n’était pas habilité à ordonner la fermeture provisoire des de la centrale de Biblis. Pour justifier sa décision, la Cour de Leipzig s’appuie notamment sur l’absence de consultation préalable du propriétaire de la centrale, RWE Power. Cette décision de justice va permettre à RWE Power d’ouvrir une procédure séparée au civil contre l´état régional de Hesse pour le paiement de dommages et intérêts. Rappel des faits.  

La décision de l’Etat régional de Hesse en cause

Dans le cadre d’un moratoire de trois mois jugé nécessaire par le gouvernement fédéral allemand quelques jours après l’accident de Fukushima, l´état régional de Hesse avait, le 18 mars 2011, ordonné l´arrêt de la tranche A (1225 MW) et l´interdiction de redémarrage de la tranche B (1300 MW) de la centrale nucléaire de Biblis. Au total les sept centrales les plus « anciennes » – celles mise en service avant 1981 – ainsi que celle de Krümmel (exploitée par Vattenfall) étaient touchées par cet arrêt provisoire de trois mois. Le 13e amendement à la loi atomique entérinant la sortie accélérée du nucléaire ainsi que l’arrêt définitif des huit centrales concernées par ce moratoire était voté par le parlement le 30 juin 2011.  Parmi les exploitants nucléaires concernés, seul RWE Power avait déposé plainte contre l’arrêt d’exploitation provisoire de ses deux tranches à Biblis estimant cette mesure infondée.

La  plainte de RWE Power a été jugée recevable par le tribunal administratif de Hesse à Kassel en février 2013 pour erreurs de procédure. Pour motiver sa décision, le tribunal se fonde sur deux éléments : l’absence de consultation de RWE Power préalablement à la décision prise par l´état régional de Hesse et l´absence de faits tels que définis par la loi atomique justifiant un arrêt immédiat.   

Ce que la décision de la Cour de Leipzig va entraîner 

Suite à cette décision RWE Power engagera vraisemblablement une plainte au civil contre l’Etat régional de Hesse qui décidera de l’existence et du montant des dommages-intérêts actuellement estimés à environ 187 millions d’euros. Cependant, la décision de la Cours de Leipzig, bien qu’exceptionnelle, ne modifie en rien la décision du gouvernement allemand de sortir du nucléaire. D’autres contentieux sont à venir… RWE Power et E.ON ont déposé une plainte pour inconstitutionnalité du 13e amendement. La plainte est actuellement examinée par la Cour constitutionnelle allemande. Le résultat est attendu pour la fin 2014. Parallèlement, le producteur suédois Vattenfall réclame lui aussi une indemnisation pour l’arrêt anticipé de ses centrales, celles de Krümmel et Brunsbüttel, devant une Cour Arbitrale américaine.

En effet, le 13e amendement loi atomique de 2011 ne prévoit aucune compensation des exploitants pour leurs pertes de plusieurs milliards d´euros entraînées par la sortie accélérée du nucléaire. Pertes liées à l’arrêt immédiat de huit centrales, aux investissements importants déjà engagés suite à la loi de prolongation de durée des centrales de 2010, au coût de leur démantèlement, et à la fixation de dates butoirs d’exploitation au lieu des quotas d’énergie restant à produire (avec des dates butoirs les arrêts ne sont plus pris en compte).   

Par Hartmut Lauer