Confusion sur les chiffres d’émissions de CO2 du nucléaire
Fin janvier 2019, le gouvernement a publié le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour les 10 ans à venir (périodes 2019-2023 et 2024-2028) ; projet soumis aujourd’hui à la consultation de différentes instances et des professionnels du secteur, avant sa mise en application par décret, courant 2019.
Dans ce rapport de 368 pages, plusieurs parties sont dédiées au nucléaire, dont le chapitre 3 (alinéa 3.5.8. Le nucléaire) – Partie « Les enjeux environnementaux », page 126.
Le projet PPE indique notamment deux références en matière d’émissions de CO2 liées au nucléaire :
– le GIEC, « qui a publié des données sur l’impact carbone de la filière nucléaire, l’estime en moyenne à 12g CO2/kWh au plan international » ;
– « selon la base carbone de l’ADEME, pour la France, l’énergie nucléaire émet en moyenne 66 g CO2/kWh sur l’ensemble de son cycle de vie ».
La SFEN, dont une des missions est de veiller à l’exactitude des données publiées relatives au secteur du nucléaire, attire l’attention des pouvoirs publics sur le fait que le résultat proposé par la base carbone de l’ADEME, largement utilisée pour les calculs des bilans réglementaires Gaz à Effet de Serre (GES), est en réalité inférieur : 6g CO2/kWh pour l’énergie nucléaire en France.
Comme indiqué dans une note de la SFEN « Urgence climatique : peut-on se passer de l’énergie nucléaire ? », publiée en octobre 2018, et rappelé dans le présent projet de la PPE, la valeur de référence pour le bilan Gaz à effet de serre (GES) du kWh nucléaire est fixée à 12g CO2/kWh par le GIEC.
Pour calculer les émissions de CO2, la méthode de référence reste l’Analyse de Cycle de Vie (ACV). Elle a fait l’objet d’un consensus scientifique international ; elle est utilisée dans tous les secteurs, dont le nucléaire, pour calculer le bilan environnemental d’un service ou d’un produit. L’ACV est normalisée depuis de nombreuses années (normes ISO 14040 & 44).
L’ADEME s’appuie sur une étude ancienne de B. Sovacool qui n’est pas spécifique à la France et qui n’est pas une étude proprement dite mais une « méta-analyse », soit une analyse d’études internationales , et non spécifiquement françaises, et surtout, dont certaines ne sont pas des études ACV et inadaptées à notre pays.
A noter que le résultat d’émissions de CO2 pour la France est inférieur, en raison du faible contenu carbone que revêt l’électricité française, qui réduit notamment la contribution des émissions de gaz à effet de serre, en particulier dans les étapes industrielles du cycle du combustible, comme l’enrichissement de l’uranium. Cette étape a aussi bénéficié de la réduction majeure (d’un facteur de près de 50) de l’énergie consommée, en passant de la technologie de la diffusion gazeuse à celle de l’ultracentrifugation.
La valeur de « 66 g CO2/kWh » de l’ADEME ne saurait donc être retenue comme référence dans le rapport de la PPE, et provient probablement d’une malheureuse coquille. Il semble important de la modifier dans le rapport définitif du rapport de la PPE, pour éviter toute confusion et majorer indûment d’un facteur de l’ordre de 10 les émissions de la filière nucléaire.