Pourquoi il faut engager le renouvellement du parc dès que possible
Les projections européennes prévoient une diversification du mix électrique et un développement important des énergies renouvelables dans l’ensemble des pays membres. Toutefois, pour respecter l’ambition climatique de neutralité carbone à la moitié du siècle, les analystes estiment qu’un « socle » nucléaire de 40 GWe en France en 2050 et de 70 GWe dans le reste de l’Union européenne est indispensable.
Aujourd’hui encore, la France figure parmi les rares pays de l’Union européenne à maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur de la technologie nucléaire : de la conception à la construction de réacteurs, en passant par leur exploitation et leur démantèlement, jusqu’à la fabrication du combustible et la gestion des déchets radioactifs.
Le secteur de l’énergie s’inscrit dans des trajectoires de long terme. Les réacteurs nucléaires sont des infrastructures stratégiques, conçus pour être exploités plusieurs décennies, 60 ans pour le réacteur EPR. Compte tenu de cette singulière temporalité et afin de rester maîtresse de son destin, la France doit mener dès maintenant une réflexion sur le renouvellement d’une partie de son parc nucléaire. Pour cela, il est essentiel que la puissance publique, l’État, se saisisse de cette question et instruise, avec l’ensemble des acteurs, un dossier sur les implications industrielles et financières qui en découlent. L’enjeu principal de cette réflexion sera de mettre en place un programme industriel permettant à l’énergie nucléaire de figurer parmi les sources de production programmables les plus compétitives. Des pistes existent. La SFEN estime ainsi qu’il est possible de réduire de 30 % les coûts de construction – grâce à la construction en série (en particulier la construction d’une série de trois paires) –, et de moitié les coûts liés au financement, grâce à une répartition des risques plus efficace.
Pour que de premiers EPR soient pleinement opérationnels en 2030, il est essentiel que cette réflexion soit engagée d’ici 2020. L’absence de décision, ou une décision partielle (ne lancer qu’une seule paire), aurait des conséquences lourdes sur l’activité des PME/ETI, qui représentent 80 % de la filière française. Certaines pourraient être poussées à réorienter leur activité et leurs effectifs vers d’autres industries, proches par certains aspects, comme la filière du gaz et du pétrole. La France pourrait alors réaliser trop tard qu’elle a perdu la maîtrise technologique dans la construction de réacteurs. Deux choix s’offriront alors à elle pour assurer son approvisionnement en électricité : construire des centrales à gaz, au risque d’augmenter ses émissions de CO2, ou importer des réacteurs de technologie étrangère…