Fukushima, le rejet des eaux se prépare - Sfen

Fukushima, le rejet des eaux se prépare

Publié le 11 mars 2022 - Mis à jour le 14 mars 2022

À la mi-février 2022, le Japon a accueilli un groupe d’experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) visant à accompagner la préparation du rejet des eaux contaminées de la centrale nucléaire. Le rejet après traitements et dilution des eaux doit débuter en 2023. Pour rappel, ces eaux, une fois traitées contiennent principalement du tritium, radioélément ayant peu d’impact sur l’homme, et dont la concentration après dilution ne dépassera pas celle des rejets de la centrale lorsqu’elle était en activité ni les standards internationaux.

11 ans après l’accident de Fukushima, les industriels travaillent à la gestion et aux traitements des eaux, mais également au démantèlement de l’installation. Pour rappel, frappée par un important tsunami en mars 2011, la centrale n°1 de Fukushima, ou Fukushima Daiichi, a connu la fusion des cœurs des réacteurs 1, 2 et 3. Celui du réacteur 4 était alors déchargé et les réacteurs 5 et 6 étaient à l’arrêt pour maintenance [1]. Aujourd’hui, les eaux qui entrent en contact avec la radioactivité de l’installation sont collectées, traitées et entreposées sur le site afin de protéger l’environnement.

Une équipe d’experts de l’AIEA a réalisé une première mission du 14 au 18 février se concentrant sur les aspects techniques du rejet. Ils ont « recueilli des informations […] afin de pouvoir conclure que le plan de rejet des eaux est conforme aux normes de sécurité internationales », détaille l’AIEA [2]. Cette visite fera l’objet d’un rapport qui est attendu à la mi-avril. Fin mars, une deuxième mission sera lancée pour discuter des aspects réglementaires avec l’Autorité de sûreté japonaise (NRA).

La gestion des eaux contaminées : Retirer, retenir, rediriger

L’exploitant continue aujourd’hui, bien que les résidus des cœurs des réacteurs soient froids, à injecter de l’eau dans ces résidus. Cette eau est pompée pour être décontaminée, une partie est réinjectée pour refroidir les résidus et une autre partie a été stockée depuis 2012, car non rejetable en mer. Au 31 décembre 2021, l’eau ainsi collectée dans les sous-sols des quatre réacteurs représentait 1,2 million de mètres cubes [3], dont 34 % sont en phase avec les standards de rejet après traitement. Le reste doit encore être traité ou retraité. Plusieurs processus de filtration sont souvent nécessaires.

En ce qui concerne les rejets de radioactivité en mer, ils ont été drastiquement réduits par des barrières successives et des traitements. Globalement, les eaux de la nappe phréatique en amont sont pompées pour baisser le niveau de la nappe et réduire ainsi l’entrée d’eau dans les réacteurs, où elle est contaminée puis pompée pour traitement. Une barrière de sol gelé entourant les quatre réacteurs accidentés réduit encore les entrées d’eau amont et les fuites vers l’aval en détournant les eaux amont, car les soubassements des réacteurs ne sont plus étanches. Les eaux souterraines à l’aval des réacteurs sont arrêtées par un mur imperméable de 800 mètres de long, pompées dans des puits de drainage, traitées, entreposées pour contrôle, puis rejetées. Le niveau de radioactivité résiduel des rejets en mer est extrêmement faible et l’impact du site sur les eaux marines est devenu insignifiant.

Le schéma ci-après présente le système global de protection de la mer, qui a représenté des investissements considérables, réalisé de 2013 à 2016 et complètement opérationnel depuis 6 ans.

Source : Tepco

Devenir des eaux pompées dans le réacteur et entreposées

L’eau pompée dans les réacteurs, fortement contaminée, est stockée depuis l’accident et son volume est devenu considérable. Progressivement, ce stockage de 1,2 million de mètres cubes a été traité par plusieurs installations de traitement permettant pour l’une d’extraire le contaminant le plus problématique : le césium radioactif. Ensuite une installation multi-nucléides élimine la quasi-totalité de la radioactivité résiduelle. Mais le tritium, un isotope radioactif de l’hydrogène, reste présent dans ces effluents sous forme d’eau, et ne peut pas être extrait. Sous cette forme, si absorbé ou ingéré, il traverse le corps, ce qui explique sa faible nocivité. C’est pourquoi cinq options ont été étudiées pour évacuer  dans des conditions sûres ces eaux : la dilution en mer, l’évaporation dans l’air, l’injection dans le sol, le rejet sous forme de tritium gazeux, ou la solidification des eaux en vue d’un stockage.

En avril 2021, le choix du rejet en mer a été annoncé par le Premier ministre. Les trois dernières options ont été écartées dès février 2020, le ministère japonais de l’Industrie et de l’Économie évoquant « de nombreux problèmes non résolus pour une application pratique en termes de réglementation, de technologie et de temps ». Quant à l’option d’évaporation, bien que ce système ait été utilisé lors de l’accident de la centrale nucléaire de Three Mile Island en 1979, les effluents traités à Fukushima étaient bien supérieurs en quantité et l’acceptabilité par les riverains loin d’être garantie.

La stratégie proposée est de finaliser le traitement de la plus grande partie du stock afin de l’amener au niveau autorisé, puis de diluer les effluents traités afin de réduire leur contenu tritium à une valeur inférieure aux normes de rejet en mer. Ils sont ensuite rejetés au large très progressivement en bénéficiant des courants marins et d’une dilution considérable dans l’océan Pacifique. Le reliquat des effluents, que les traitements n’auront pu amener au niveau requis, sera transformé en déchets solides.

La radioactivité des rejets sera bien en dessous des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En effet, l’OMS recommande une valeur guide de 10 000 Bq/L pour le tritium dans l’eau de boisson, à considérer en cas de consommation permanente de l’eau (730 L/an pour un adulte) (source IRSN). Les rejets en mer à Fukushima ne dépasseront pas 1 500 Bq/L.

Un processus d’analyse transparent

« Pour vérifier de manière indépendante les niveaux de radioactivité de l’eau traitée stockée, mais aussi dans l’océan, l’AIEA prélèvera des échantillons d’eau qui seront analysés dans ses laboratoires en Autriche et à Monaco », a fait savoir l’Agence. Au niveau national, les résultats de Tepco sont également publiés et comparés avec ceux d’une troisième partie[4].

Par ailleurs, le groupe d’experts de l’AIEA a observé l’échantillonnage par TEPCO de l’eau traitée dans les réservoirs, dont une partie sera analysée par les laboratoires de l’Agence. Les résultats pourront ainsi être croisés. Enfin, « L’AIEA a également salué l’intention du Japon de renforcer la surveillance de l’environnement afin de collecter des données supplémentaires spécifiques au rejet des eaux traitées, données qui seront soumises à l’Agence pour corroboration à l’avenir » [5].

[1] https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-fukushima-2011/deroulement-accident-fukushima-2011/Pages/1-deroulement-accident-centrale-fukushima-daiichi-2011.aspx?dId=ec69f4a3-5efc-4c1a-a5d5-27d95bc118b7&dwId=47d64bce-75be-4284-850a-5f762ae259a0#.Yh91zehKg2w

[2] https://www.iaea.org/newscenter/pressreleases/iaea-experts-make-headway-in-reviewing-safety-of-plan-to-discharge-treated-water-from-fukushima-site

[3] Tepco précise son chiffre en soulignant que seuls les réservoirs pleins sont comptés.

[4] https://www.meti.go.jp/english/earthquake/nuclear/decommissioning/pdf/sd202202.pdf

[5] https://www.iaea.org/newscenter/pressreleases/iaea-experts-make-headway-in-reviewing-safety-of-plan-to-discharge-treated-water-from-fukushima-site

La rédaction Sfen – Crédit photo ©Tepco