Fusion nucléaire : décryptage des dernières avancées en Chine et des conséquences pour Iter
En Chine, les chercheurs de l’Académie des Sciences à Hefei sont parvenus à maintenir un plasma de fusion pendant 17 minutes. Certains y ont vu une avancée majeure risquant de dépasser le projet international Iter. Mais au contraire, ces avancées vont bénéficier à l’ensemble de la recherche sur la fusion.
Le 30 décembre 2021, les chercheurs et ingénieurs de l’Institut de Physique des Plasmas de l’Académie des Sciences à Hefei en Chine, ont réussi à maintenir un plasma de fusion à une température de 70 millions de degrés pendant plus de 17 minutes (1056 secondes) dans le tokamak EAST. Une réalisation très intéressante pour le développement de la fusion mais qui a donné lieu à beaucoup d’incompréhensions, certains estimant le projet international Iter en construction à Cadarache en France allait être dépassé.
Un tokamak est un dispositif permettant de confiner un plasma (gaz très chaud) de fusion à l’aide de puissants champs magnétiques. Inventé en URSS dans les années 1950 (tokamak est un acronyme russe), il s’est imposé comme la configuration magnétique la plus prometteuse pour la fusion. En effet, en 1968, des chercheurs soviétiques annonçaient avoir obtenu des températures (environ 10 millions de degrés) et des temps de confinement, bien supérieurs à ceux obtenus par d’autres systèmes. Plus de 200 tokamaks ont été construits et opérés dans le monde et le plus gros d’entre eux, Iter, est en construction à Cadarache.
Un tokamak confine le plasma en combinant 2 champs magnétiques, l’un d’entre eux étant créé par un courant électrique circulant dans la plasma- aux températures requises pour la fusion, un plasma a une conductivité électrique aussi bonne que le cuivre. Pour créer ce courant, on utilise un effet transformateur. Une bobine au centre du tokamak (le solénoïde central) sert de primaire, le plasma de secondaire. Mais le flux magnétique étant fini, le courant ne peut être maintenu que pendant un certain temps- un tokamak est donc par nature un système pulsé. Or, un réacteur de fusion devra fonctionner en continu. Il est donc nécessaire de développer des méthodes de génération de courant dites non inductives, par exemple par l’injection d’ondes dans le plasma.
Des projets complémentaires
Les deux tokamaks principaux en Chine sont East, et HL-2M situé à Chengdu qui a démarré fin 2020. Mis en service en 2006, East est équipé de bobines supraconductrices et l’une de ses missions est justement de développer des plasmas très longs et de servir de banc de test pour Iter en termes de physique et de technologie. East a notamment démontré en 2021 l’obtention d’un plasma en mode-H (le mode de confinement privilégié pour Iter) de 101 secondes avec une température de 120 millions de degrés. Les annonces récentes sont un vrai progrès dans le développement d’opérations non inductives, même si la densité et la température du plasma sont très inférieures à ce qu’un réacteur devra démontrer. Il faut également préciser qu’East est une installation expérimentale n’utilisant pas de tritium, et qui donc n’a pas vocation à générer de l’énergie ; ce n’est donc pas un réacteur
La Chine est partenaire du projet Iter, elle fournit de nombreux composants et comme les autres partenaires. Elle a un programme de recherche qui vise à aider le programme international pour la préparation des opérations et compréhension des plasmas de fusion. Il n’y a donc pas compétition. En parallèle, comme c’est le cas pour d’autres pays, la Chine développe un ambitieux programme de réacteur appelé CFETR (Chinese Fusion Engineering Test Reactor) qui vise à produire de l’électricité dans les années 2040-50 mais dont les études de conception bénéficient (et bénéficieront) des retours d’expérience d’ITER.
Il faut donc saluer ce résultat qui confirme que la Chine est un des leaders mondiaux dans le domaine de la fusion nucléaire. Il faut également rappeler que c’est une étape seulement vers le développement de la fusion- étape d’une route qui est longue et ardue.