Le Japon, un retour pragmatique à l’énergie nucléaire
L’accident de Fukushima a bousculé la trajectoire énergétique du Japon. Huit ans après, le pays a massivement recours aux énergies fossiles, ce qui entraîne mécaniquement une baisse de son indépendance énergétique et une augmentation des gaz à effet de serre. Pour faire face à cette situation, l’énergie nucléaire revient sur le devant de la scène.
La chute de l’indépendance énergétique du pays
Historiquement, l’archipel est un acteur majeur du nucléaire civil et un partenaire de longue date de la filière nucléaire française. La mise à l’arrêt du parc nucléaire a entrainé une chute du taux d’indépendance énergétique du pays. Ce dernier est un indicateur économique qui met en relation la production nationale d’énergies primaires avec la consommation en énergie primaire sur une année donnée. Pour le Japon, ce taux est passé de 20,2 % en 2010 à 6,4 % en 2014, pour ne se relever qu’à 8,3 % en 2016. À titre comparatif, celui de la France est de 53,1 %. Le Japon souffre également d’une absence d’interconnexion avec le reste de l’Asie. Pour répondre à ses besoins, l’archipel a dû considérablement augmenter ses importations de carburants fossiles, conduisant le pays à une forte dépendance aux fournisseurs étrangers. Le Japon est ainsi devenu le deuxième importateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL).
L’inéluctable hausse des émissions de gaz à effet de serre
Le recours aux énergies fossiles accroît les émissions de gaz à effet de serre du secteur énergétique au Japon. En dépit d’une légère baisse depuis 2013, ses émissions restaient supérieures en 2016 à leur niveau de 2010 (1 307 millions tCO2 contre 1 303 millions tCO2). Le Japon est pourtant signataire de l’Accord de Paris et s’est engagé à réduire ses émissions. À titre d’exemple, la municipalité de Tokyo, ville la plus peuplée du monde, vise à réduire de 30 % ses émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport au niveau de 2000. Un objectif vital car 2018 a été une année historiquement chaude au Japon avec des températures de plus de 40°C et un pic de décès dû à cette canicule exceptionnelle.
Un retour progressif du nucléaire dans le mix électrique
Le nucléaire est passé de 29 % en 2010 à zéro en 2014. Il remonte progressivement depuis. Aujourd’hui 20 réacteurs sont arrêtés définitivement, 6 réacteurs ont été autorisés à redémarrer et 12 sont en cours d’expertise pour un potentiel redémarrage. Enfin, les 9 réacteurs en opération ont produit 7 % de l’électricité japonaise en 2018.
Ce retour progressif de l’énergie nucléaire témoigne de la confiance du gouvernement de Shinzo Abe dans l’atome. En juillet 2018, le Japon a adopté le « 5e plan fondamental de l’énergie » articulé autour des « 3E+S » (Energy security, Economic Efficiency, Environment + Safety). Ainsi, selon le ministère japonais de l’Industrie et de l’Énergie, le mix électrique d’ici 2030 devrait être composé à hauteur de 56 % d’énergies fossiles, 22-24 % de renouvelables et 20-22 % de nucléaire. Le Japon pourrait ainsi atteindre un taux d’indépendance énergétique de 24 % d’ici 2030 et faire baisser ses émissions de CO2 de 25 % par rapport à 2005. Si le Japon n’a pas retrouvé sa capacité nucléaire d’avant Fukushima, force est de constater qu’elle reste une énergie d’avenir, une solution pragmatique pour garantir la souveraineté énergétique du pays et lutter contre le changement climatique.