L’Allemagne choisit de se passer du nucléaire pour privilégier le gaz
Berlin prévoit de doubler la capacité de ses centrales à gaz d’ici à 2030, tandis que ses trois derniers réacteurs nucléaires seront mis à l’arrêt à la fin de l’hiver. Ce choix ne fait pas l’unanimité et risque de dresser des obstacles supplémentaires sur le chemin d’une transition énergétique réussie, alors même que la sécurité de l’approvisionnement en gaz reste fragile.
La Basse-Saxe (nord-ouest) symbolise les dynamiques en matière d’infrastructures énergétiques outre-Rhin. En décembre, les trois leaders de la coalition gouvernementale ont inauguré sur ses côtes un premier terminal GNL flottant ; 150 kilomètres plus au sud, le réacteur de la centrale d’Emsland devait être mis à l’arrêt mi-avril 2023. Malgré les bouleversements provoqués par le conflit en Ukraine, l’Allemagne persiste dans la voie du gaz plutôt que de relancer l’atome.
Le PDG de l’énergéticien RWE appelait dans la presse allemande dès octobre 2021 au doublement de la capacité des centrales à gaz pour assurer l’approvisionnement dans un scénario de sortie accélérée du charbon et du nucléaire. Une orientation toujours décrite comme la plus économique par le régulateur de l’énergie dans son évaluation des perspectives du pays à moyen-terme, transmise au gouvernement fin 2022 et vue par Euractiv.
Une production électrique en 2030 basée à 80 % sur des énergies renouvelables (44,6 % du mix en 2022) et 20 % sur du gaz (13,5 % en 2022) maintiendrait donc des besoins d’approvisionnement élevés, même en tenant compte des mesures de réduction de la consommation engagées ces derniers mois. La construction de terminaux GNL se poursuit : leur capacité atteindra d’ici fin 2023 les 2/3 des imports russes historiques, d’après Reuters.
Débats sur la prolongation
La politique énergétique nourrit d’intenses débats politiques au sein de la coalition au pouvoir. Les libéraux (FDP) poussent pour l’extension des trois réacteurs nucléaires restants et la relance de ceux arrêtés en 2021. Après des années de campagne anti-GNL, les écologistes (die Grüne) se désolent de voir un des leurs, le ministre de l’Économie Robert Habeck, présider à son avènement et signer des contrats d’approvisionnement de long-terme au Moyen-Orient, comme le souligne le Financial Times.
La décision de Berlin pourrait même créer à l’avenir plus de problèmes qu’elle ne semble en résoudre. Dans ses prévisions pour 2023, l’AIE a averti que le marché du GNL resterait tendu en raison d’une production peinant à suivre une demande en hausse. Sans compter des aléas comme l’incendie du terminal Freeport LNG, qui a amputé depuis six mois 20% des exportations américaines.
Enfin, et ce n’est pas le moindre problème, l’extension du recours au gaz enferme l’Allemagne dans des usages incompatibles avec la transition climatique : au risque de créer une bulle d’actifs dont l’éclatement coûterait à l’économie du pays autrement plus cher que la crise actuelle. ■