Le nucléaire, au centre de l’attention des documentaires… pour le meilleur et le pire
À l’occasion de la diffusion du documentaire sur nucléaire « Nucléaire : une solution pour la planète ? », diffusé le mardi 29 mars à 20h50. La Sfen revient de manière non exhaustive sur les imprécisions de plusieurs documentaires récents.
La campagne présidentielle et les questions sur la sécurité d’approvisionnement énergétique ont placé l’énergie nucléaire au cœur des débats. À cette occasion, plusieurs chaines télévisées ont diffusé, ces derniers jours, des documentaires sur l’atome. Bien qu’il soit important de souligner l’effort de recherche et d’équilibre de certains, d’autres, distribués par des chaines financées en grande partie par le public, sont partiaux, voire inexacts. Ils sont souvent marqués d’un ton anxiogène et laissent la parole aux opposants sans réel point de vue opposé.
Absence de comparaison
Un point commun à l’ensemble de ces documentaires est que la notion de radioactivité est généralement peu expliquée. Il est rarement indiqué qu’il s’agit d’un phénomène naturel. À titre d’exemple, la radioactivité du corps humain pour une personne de 120 becquerels (Bq) par kilogramme (désintégration par seconde). Pour une banane, on atteint 130 Bq par kilogramme. Certains sols granitiques atteignent 1 000 Bq par kilogramme. Nous sommes en permanence soumis à des radiations venues de l’espace, du sol ou de notre alimentation.
Dans le cadre du documentaire « Sur le front – Nucléaire, éoliennes : des voisins encombrants ! » (1) un passage (17min18) met en scène la mesure de la radioactivité d’un camion de transport de matière radioactive. L’instrument sonne et indique 8 microsieverts (µSv) pendant un très court instant. Soit plus de deux fois inférieur à la radiation reçue lors d’une radio de la poitrine et 125 fois moins que la dose maximale autorisée en France pour des personnes ne travaillant pas dans le nucléaire, à savoir 1mSv par an (hors radiation naturelle et médicale).
La comparaison est également absente sur le tritium, rejeté par certaines installations nucléaires. Dans le documentaire d’Arte « Nucléaire : une solution pour la planète ? », deux militants, à Saumur, racontent avoir relevé, en janvier 2019, 310 Bq/L lors de l’un de leurs prélèvements d’eau de la Loire (une mesure non confirmée par EDF ou l’IRSN). En l’état, ce niveau est au-dessus des seuils d’alerte français de 100 Bq/L. Ce seuil est toutefois très inférieur à celui préconisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : 10 000 Bq/L. Selon Jean-Michel Bonnet, directeur de la santé à l’IRSN, une personne « qui boirait deux litres d’eau avec une concentration de tritium à 10 000 Bq/L arriverait à une dose équivalente de ce que l’on peut recevoir par rayonnement cosmique quand on fait un vol Paris-Tokyo », explique-t-il à l’AFP.
Emissions de CO2
Le documentaire d’Arte présente également de réelles erreurs. À 2min05, Mycle Schneider, militant antinucléaire et consultant, déclare : « c’est catastrophique climatiquement parlant d’investir dans le nouveau nucléaire ». Rappelons que l’analyse des émissions de l’énergie nucléaire sur l’ensemble de son cycle de vie (construction de l’installation, fabrication du combustible, démantèlement, déchets) sont évaluées par le Giec à 12gCO2/kWh, au même niveau que l’éolien. En France, ces émissions sont encore inférieures (6gCO2/kWh), car l’enrichissement du combustible est effectué au Tricastin avec de l’électricité bas carbone.
Autre erreur notable du documentaire d’Arte au sujet du vieillissement des réacteurs. À la 25e minutes, le documentaire explique que le vieillissement des réacteurs est dangereux, diminuant les marges de sûreté. La réalité est que les centrales nucléaires sont plus sûres aujourd’hui qu’elles ne l’étaient quand elles ont démarré. À l’occasion des réexamens périodiques décennaux, les équipements des centrales nucléaires sont inspectés avec les technologies d’imagerie et de traitement du signal les plus avancées. Les exigences de sûreté sont régulièrement rehaussées. Chaque réexamen périodique d’un réacteur nucléaire permet de définir à quelles conditions sa poursuite de fonctionnement pour 10 ans est possible. À cette occasion la cuve du réacteur est également inspectée et les résultats sont analysés par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
L’ensemble des documentaires en lien avec le nucléaire ne peuvent pas se réduire à ce qui est vu plus haut. Un grand nombre de journalistes font chaque jour un travail sérieux et scientifiquement exigeant. À titre d’exemple, les journalistes du Monde, dans une vidéo à portée pédagogique, ont fait une démonstration chiffrée et ont distingué les dangers, les risques et les bénéfices du nucléaire (3). Ce travail sourcé et chiffré souligne par ailleurs le travail d’anticipation fait par la filière sur la gestion des risques nucléaires.
Pour vous faire votre propre opinion :
- France TV – Hugo Clément : Sur le front – Nucléaire, éoliennes : des voisins encombrants !
- Arte : Nucléaire : une solution pour la planète ?
- Le Monde : Présidentielle 2022 : le nucléaire est-il dangereux ?