L’édito de Ludovic Dupin, directeur de l’information de la Sfen et rédacteur en chef ■ RGN #3 – 2024
Le nucléaire, c’est chaud !
Quand on explique le fonctionnement d’un réacteur nucléaire, on prend souvent l’image d’une grande bouilloire. On chauffe de l’eau pour faire de la vapeur. Aujourd’hui, alors que le nucléaire ne se limite plus à la seule production d’électricité mais s’oriente aussi vers la production de chaleur, cette métaphore n’a jamais été aussi pertinente.
Le nucléaire produit énormément de chaleur, mais seulement un tiers de cette énergie est converti en électricité. Les deux autres tiers sont dissipés, notamment sous forme de chaleur résiduelle. Or, l’industrie et les réseaux de chaleur urbains auraient bien besoin de ces précieuses calories pour se décarboner, surtout dans un pays comme la France où la chaleur a longtemps été un impensé de la transition énergétique. En effet, la politique énergétique, en réaction au choc pétrolier de 1973, s’est principalement focalisée sur l’électricité, de sorte que les réseaux de chaleur sont encore peu développés.
Mais attention, la chaleur est plus complexe que l’électricité à gérer : là où un électron en vaut un autre, les besoins en chaleur varient selon les usages. Le chauffage urbain, par exemple, se limite souvent à des températures inférieures à 100 °C, tandis que certaines applications industrielles nécessitent des températures allant de 150 °C à plus de 600 °C. Les réacteurs à eau pressurisée, comme les futurs EPR 2, pourraient fournir de la chaleur à basse température sur le circuit tertiaire et de la chaleur moyenne sur le circuit secondaire, à condition que cela soit prévu dès leur conception.
Cependant, pour les applications à haute et très haute température, il faudra compter sur l’essor des petits réacteurs modulaires avancés (AMR). Ces technologies de quatrième génération sont capables de produire des températures extrêmement élevées, et beaucoup de ces AMR sont conçus pour la cogénération chaleur/électricité. Certains sont même entièrement dédiés à la production de chaleur.
Reste à trouver le bon modèle économique pour valoriser cette chaleur nucléaire (en plus de la biomasse ou de la géothermie) et remplacer définitivement la chaleur fossile dans notre paysage énergétique.