Quelles sont les avancées technologiques pour l’extraction de l’uranium ?
L’uranium est l’ingrédient principal pour la fabrication des pastilles de combustibles nucléaires. Pour extraire ce minerai du sous-sol, plusieurs méthodes traditionnelles sont employées par les compagnies minières depuis des décennies, mais celles-ci cherchent toujours à innover pour réduire les coûts et l’impact environnemental de l’extraction.
L’extraction de l’uranium est la première étape du cycle de fabrication du combustible nucléaire. De nombreux gisements sont répartis un peu partout à travers le globe, principalement au Kazakhstan, au Canada et en Australie. Suivant leur configuration, différentes méthodes d’exploitation vont être utilisées par les entreprises minières (telles qu’Orano, Kazatomprom, Cameco, etc.). En effet, le type de roche contenant le minerai, les teneurs en uranium, la taille du gisement, le contexte hydrologique à proximité (etc.) sont autant de critères qui vont définir la meilleure méthode à employer. Cela étant, dans une recherche constante d’optimisation économique, de respect de l’environnement et pour répondre à la demande mondiale croissante, les compagnies minières développent des méthodes d’extraction toujours plus innovantes.
Les méthodes traditionnelles
Le minerai contenant de l’uranium le plus abondant sur Terre est l’uraninite (UO2) ou, dans sa forme plus oxydée, la pechblende (U3O8). Aujourd’hui, plusieurs méthodes sont utilisées pour l’extraire du sous-sol suivant divers critères. Ces mêmes méthodes sont aussi utilisées pour plusieurs autres métaux, tels que le cuivre ou l’or par exemple.
- Mine à ciel ouvert: Cette technique consiste à creuser une grande fosse sur plusieurs niveaux pour atteindre un gisement généralement à faible profondeur. La mine est dite à ciel ouvert car tous les équipements restent en surface. Le minerai est abattu à l’aide d’explosifs puis est récupéré par des pelles mécaniques et des camions.
- Mine souterraine : Elle est choisie lorsque le gisement est à plus forte profondeur. Par ailleurs, il présente aussi généralement une plus forte teneur en uranium. Des galeries, des descenderies et des puits d’accès sont réalisés pour accéder au gisement et remonter le minerai en surface, ainsi que pour les déplacements des mineurs. Cette méthode a une plus faible emprise environnementale que la précédente et génère par ailleurs moins de stériles (déchets miniers), mais elle nécessite davantage de dispositions pour protéger les ouvriers des éventuelles contaminations et des poussières (ventilation, etc.). Il arrive que les mines soient ceinturées d’eau en profondeur, avec les nappes phréatiques par exemple. Dans ce cas, la mine est d’abord mise en sécurité par congélation des sols en injectant, depuis la surface, une saumure (solution aqueuse salée) refroidie à – 40°C. Il existe ensuite plusieurs méthodes pour l’extraction de l’uranium, dans des galeries préalablement creusées grâce à des tunneliers ou des explosifs.
- Traditionnelle : Des forages ciblent les minéralisations. Le minerai est ensuite abattu à l’explosif, récupéré par camion, concassé en profondeur, puis remonté en surface. Les zones exploitées sont finalement rebouchées avec divers matériaux (granulats, sable, etc.)
- « Jet boring » ou forage par jet : Dans les galeries, plusieurs forages sont réalisés pour atteindre les minéralisations. Puis, le minerai est ensuite découpé grâce à un jet d’eau à très forte pression. Le minerai est ensuite broyé puis envoyé en surface. Les trous sont rebouchés avec du béton. Cette technique a été utilisée pour la première fois sur le site de Cigar Lake au Canada.
- Lixiviation ou récupération in situ : Cette méthode d’extraction se pratique en surface, avec une faible emprise au sol, pour des gisements ayant une teneur en uranium plutôt faible. Plusieurs puits sont creusés pour atteindre les minéralisations. Une solution acide ou alcaline est ensuite injectée pour dissoudre progressivement le minerai d’uranium, qui est ensuite pompé sous forme d’un précipité jusqu’en surface. La lixiviation in situ n’est pas autorisée à proximité de zones d’approvisionnement en eau potable car elle pourrait les contaminer. Cette méthode est aujourd’hui la plus utilisée pour extraire l’uranium dans le monde, soit dans environ 56% des cas, contre environ 40% pour les mines souterraines et à ciel ouvert.
Les teneurs en uranium sont variables suivant les gisements. Dans certaines mines, à ciel ouvert entre autres, les teneurs peuvent être assez faibles, autour de quelques pour cent (environ 0,01 % d‘uranium, soit 100 ppm), alors que dans des mines souterraines, notamment au Canada, elles peuvent atteindre 15%, voire 20%, d’uranium (soit 200 000 ppm). [1]
Une fois récupéré, le minerai est envoyé en usine de traitement, généralement à proximité du site de la mine. Plusieurs techniques de lixiviation (dynamique ou acide, en tas, etc.) sont ainsi utilisées, suivant les teneurs du minerai, de manière à augmenter la concentration en uranium : on obtient alors le yellowcake. Celui-ci va ensuite être converti et purifié (en hexafluorure d’uranium, UF6) puis enrichi pour augmenter la proportion d’U235.
Des méthodes d’extraction innovantes
SABRE (Surface Access Borehole Resource Extraction) est une nouvelle méthode en développement depuis dix ans par Orano, en partenariat avec Denison Mines. Celle-ci correspond, en quelque sorte, à un mélange des techniques de « jet boring » et de lixiviation in situ. En effet, le minerai est extrait, depuis la surface, par abattage hydraulique, grâce à des jets d’eau à haute pression, à travers un puits de forage. L’uranium est ensuite remonté en solution en surface grâce à des pompes et les cavités sont finalement rebouchées par du ciment. SABRE est très efficace pour les petits gisements à forte teneur et ne nécessite pas d’installations souterraines. Elle a par ailleurs une très faible emprise au sol en surface, ce qui la rend économiquement et environnementalement très intéressante. Son utilisation sera testée pour la première fois en 2025 sur le gisement canadien de McClean North.

Infographie de SABRE, Source : RGN Eté 2024 Sfen
En dehors de la croûte terrestre, l’uranium est aussi présent, sous forme dissoute, dans l’eau des océans. Ces derniers pourraient ainsi fournir une quantité d’uranium presque inépuisable, mais les enjeux techniques et économiques sont énormes, tant les concentrations sont minimes dans ces vastes étendues d’eau. Pour autant, la China National Nuclear Corporation (CNNC) souhaite relever le défi. Elle a inauguré, en mai 2023, une plate-forme d’essai en mer de Chine méridionale pour tenter d’extraire (de manière économiquement viable) l’uranium des océans. ■

Photo de la plateforme d’essai de la CNNC, Source : CNNC